À l’abri de façades majestueuses ou isolés sur les îles de la lagune et dans la campagne palladienne, les ateliers d’art vénitiens sont uniques. Tissus précieux, verres féeriques et souliers inspirés en sortent. Les artisans et les entrepreneurs de cette industrie du luxe, courtisée par les créateurs du monde entier, adaptent et développent les savoir-faire et l’art de vivre hérités de la République des Doges.

Al’arrêt du vaporetto San Marco-Vallaresso, on passe de la lumière du Canal Grande à l’ombre, en suivant l’étroite ruelle qui conduit à la boutique d’Attilio Codognato. Le rideau se lève sur sa vitrine. Fantasmes de pierreries et théâtre d’or : depuis 1866, un bijou Codognato se doit d’être «trop», trop gros, trop beau, trop spectaculaire, résolument étrange. Boucles d’oreilles et turban pour les moretti, ces petits bustes de maures. Les joyaux ont entendu battre tant de coeurs : Coco Chanel, Maria Callas, Jackie Kennedy les ont portés. Des stars plus discrètes se sont parées de ses intailles et de ses camées Renaissance. Quant aux serpents ornés de pierres précieuses, ils s’enroulent sur les bras de Liz Taylor ou de Nicole Kidman. Ces bijoux uniques racontent une histoire. Comme Attilio Codognato : il a tout lu, tout vu, tout connu. Pourtant, il tient à rester Vénitien. «On m’a souvent proposé d’ouvrir une boutique à New York. J’ai refusé. La même exactement transposée sur la Cinquième Avenue, pour quoi faire ? Le monde entier passe à Venise. Codognato, c’est Venise, pas New York. Quand il tournait Mort à Venise, Visconti venait chaque jour me demander un objet plus beau que celui qu’il avait acheté la veille. Pour Silvana Mangano, il nous a commandé un moretto. Vous savez ce que disait D’Annunzio ? On ne possède à jamais que ce que l’on donne.»